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Carlo Guiliani, ragazzo, de Francesca Comencini
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Tué par la police italienne le 20 juillet 2001, alors qu’il manifestait dans sa ville contre la tenue du G8, Carlo Giuliani est devenu un symbole. De bout en bout, ce film-hommage au jeune homme disparu, donne la parole à sa mère, Haidi Gaggio, qui vit son deuil en intellectuelle et en militante de gauche. Son récit parvient à tenir l’émotion à distance en reconstituant presque minute après minute, à partir des témoignages et des archives filmiques, la dernière journée de la vie de son fils.

Méthodiquement et preuves à l’appui, la thèse officielle d’un groupe de carabiniers ayant tiré en état de légitime défense est anéantie. Les manifestants se trouvaient hors de la zone « rouge », sur un parcours autorisé. Ils n’étaient armés d’aucune arme offensive mais seulement de boucliers improvisés avec des plaques de plexiglas. En guise d’armures, ils avaient revêtu des morceaux de mousse de toutes les couleurs. Carlo Giuliani lui-même n’appartenait à aucune organisation militantte et ne s’était nullement préparé à la manifestation. Aux alentours de 17h, on aperçoit ce jeune homme frêle et de petite taille (1,65 m) en jeans vêtu d’un simple maillot sans manches. Il a descendu sur son visage une cagoule pour se protéger des gaz lacrymogènes. Au moment où il est abattu d’une balle dans l’œil gauche tirée par la portière ouverte d’une Land Rover des carabiniers, il tient à la main un extincteur. Si la photo publiée par Reuters laisse croire qu’il est tout près du véhicule de la police, les autres documents vidéo montrent qu’il est au moins à quatre mètres. Tombé à terre, Carlo est toujours vivant lorsque la Land Rover lui passe deux fois sur le corps avant de se dégager en moins de 4 secondes. Ainsi la thèse selon laquelle les policiers auraient tiré pour se dégager d’une souricière s’effondre-t-elle à son tour.

Mais la mère de Carlo Guiliani fait entendre bien autre chose qu’un réquisitoire contre la barbarie policière. L’enquête minutieuse qu’elle conduit est sa manière à elle d’accomplir le travail du deuil. Aucune circonstance ne saurait être pour elle un détail. Carlo, qui avait participé dans l’enthousiasme à la manifestation de la veille, n’était pas un militant endurci. Pas non plus le voyou ou le paumé que certains journaux l’ont écrit. Avec son maillot de bain sur lui, il s’apprêtait ce matin-là à partir à la plage lorsqu’il rencontre un ami qui se rend à la manif. Il le suit un moment, le quitte, en rencontre un autre et, par une série de hasards, se retrouve en première ligne à la fin de l’après-midi lorsqu’un cortège de 20 000 manifestants anti-mondialisation est chargé dans une rue étroite où tout repli est impossible. Ce n’est pas une geste héroïque, juste le récit d’une journée tragique dans la vie d’un jeune homme généreux épris de liberté.

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Fuyant le pathos et les généralités bien pensantes, Francesca Comencini réussit à éviter les écueils qui plombent le cinéma militant. Rien n’est affirmé qui ne soit étayé de documents vidéo (mis à disposition par le collectif « Pour un monde plus juste »). Rien n’est forcé ni caricatural. Pas de héros ni de martyr. Pas de réquisitoire contre le grand Satan Berlusconi. A l’arrivée, un film juste qui force le respect par sa rigueur maîtrisée.

Anne Brunswic pour Images documentaires n°45/46

Documentaire couleurs, 35mm, 65 min, Italie 2002
Réalisation : Francesca Comencini
Production : Luna rossa cinematografica
Distribution : Adriana Chiesa Entreprise
Sous-titré en français



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